Le tourisme vu par Ennahda : paroles en l’air ou paroles sincères ?
14 novembre 2011Il s’appelle Ridha Saïdi et il est le monsieur économie du mouvement Ennahda. C’est lui aussi qui semble piloter pour l’instant le dossier tourisme en bénéficiant de toute évidence de (bons ?) conseils émanant de personnes proches du secteur. Dans son intervention publique la semaine dernière lors du forum sur les perspectives du tourisme tunisien (lire), Saïdi a confirmé l’engagement de son parti « à continuer le travail afin de promouvoir le tourisme et lui offrir le meilleur encadrement possible à cause de son importance dans l’économie tunisienne ». Dans la foulée de ces bonnes intentions, il a également affirmé vouloir « mettre l’accent sur le fait de concentrer tous les efforts et à tous les niveaux pour créer un vrai partenariat entre l’Etat, le secteur privé et toutes les parties constituantes de la société civile ». Ridha Saïdi a reconnu « l’absence d’une volonté politique pour mettre en application une stratégie nationale permettant le développement du secteur ». Est-ce à dire qu’Ennahda entend redonner au secteur ses lettres de noblesse pour en faire un véritable levier de croissance pour l’économie tunisienne ?
Le mouvement a en tout cas déjà jeté les bases d’une première feuille de route pour le secteur et a annoncé la nécessité de « rétablir la confiance » des partenaires étrangers. Ridha Saïdi ne précise cependant pas s’il s’agit de les rassurer sur la préservation des libertés individuelles ou sur le maintien des acquis des voyagistes sur la destination. Sur le plan purement interne, Ennahda s’est dite prête à « œuvrer d’une manière sérieuse et rapide à résoudre les problèmes structurels du secteur ». Voilà qui devrait redonner confiance aux plus pessimistes. Le mouvement a pour cela établi une feuille de route en 5 points.
De quels problèmes parle-t-on ?
Le parti semble avoir été sensibilisé sur le problème de l’endettement du secteur hôtelier et préconise « la constitution d’un comité regroupant le ministère, des hôtels, des banques, des auditeurs et des experts pour trouver des solutions au cas par cas ». On reste donc encore dans le théorique. Le problème de la diversité du produit est également soulevé par Ennahda qui rêve par exemple d’« instaurer des centres de congrès qui répondent aux normes internationales » sans préciser pour autant avec quel argent ils seront construits et, surtout, avec quels clients ils seront exploités (et amortis). Cependant, le mouvement déclare vouloir « prendre en considération » les recommandations des études stratégiques passées comme celles de la JICA, de la Banque mondiale et de Roland Berger pour solutionner certains problèmes.
La question du transport aérien a également été abordée par Ridha Saïdi qui souligne d’emblée la nécessité de soutenir la flotte nationale avant d’« ouvrir l’espace aérien aux compagnies étrangères tout en respectant la souveraineté de notre espace aérien ». A travers cette déclaration, il est évident que l’Open Sky ne sera pas appliqué avant longtemps dans le seul souci de préserver un pavillon national implicitement peu compétitif et inapte à faire face à la concurrence internationale.
Dans sa stratégie commerciale, Ennahda estime qu’en plus de « soutenir les marchés traditionnels européens, il faut aller vers d’autres marchés, américain, japonais, canadien, chinois, arabe et islamique », sans pour autant expliquer comment faire ni comment ramener ces touristes « long-courriers ». A signaler que le mouvement se déclare favorable à l’assouplissement des démarches pour l’attribution de visas à certaines nationalités.
Le problème de la formation est également sur la sellette du parti qui préconise la création d’établissements spécialisés dans la formation des cadres en s’appuyant sur un partenariat public-privé.
« Nous tenons à proposer aux professionnels du métier d’examiner ensemble les recommandations de l’étude sur les perspectives du tourisme à l’horizon 2016 » a dit Ridha Saïdi « et nous allons prendre en considération les avis de tous les intervenants et nous allons mettre en application les solutions approuvées par tout le monde ». En foi de quoi, Ennahda semble avoir déjà pris la décision de prendre le taureau par les cornes et de traiter les maux du tourisme à la racine. Mais engager des chantiers de fond, alors que le mandat de la constituante n’excèdera pas une année, lui permettra-t-elle de venir à bout de tous les problèmes évoqués? A moins qu’Ennahda ait des visions sur le très long terme…
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