Ennahda fait du charme au tourisme tunisien qui reste sur sa faim
11 novembre 2011Ennahda n’est pas encore au pouvoir. Le parti est certes arrivé en tête des dernières élections, mais il agit comme s’il dirigeait déjà le gouvernement. Et en matière de tourisme, il continue de toute évidence à faire le buzz. Cette semaine, il faut lui reconnaître une première victoire que même les plus grandes manifestations internationales n’avaient pas réussi à faire, celle d’avoir eu la capacité de rassembler dans une même salle le gratin du tourisme tunisien et notamment plusieurs barons du secteur -dont certains habituellement très peu enclins à sortir de leurs ghettos hôteliers.
Pour réunir tout ce bon monde, il a fallu qu’Ennahda organise hier un colloque sur les perspectives du tourisme tunisien. La salle de l’hôtel Acropole à Tunis, qui accueillait la rencontre, a eu du mal à contenir la filière touristique tunisienne qui s’est retrouvée presque au grand complet. Absent de taille cependant, Râched Ghanouchi, leader du parti, qui a laissé le soin à son N°2, et très probable futur Premier ministre, Hamadi Jebali, de traiter le dossier du tourisme, dossier qui s’avère de toute évidence plus compliqué à gérer que prévu pour le parti.
A la tribune officielle, avaient pris place Jebali et un certain Ridha Saïdi, membre du bureau exécutif d’Ennahda chargé des études économiques, aux côtés des présidents des deux fédérations professionnelles, la FTH et la FTAV (photo). Mais c’est du premier rang que sont venues certaines « surprises », avec la présence très remarquée de l’ancien président de l’UTICA, Hédi Jilani, et d’un ancien ministre du Tourisme, Tijani Haddad. Pour le premier, la surprise est d’autant plus grande qu’en 20 ans de présidence de l’UTICA, jamais il n’avait mis les pieds à une réunion sur le tourisme. Pour le second, sa présence était de toute évidence purement professionnelle puisqu’étant lui-même avant tout hôtelier et agent de voyages (avant même d’avoir été ministre) et ayant contribué à l’organisation de la manifestation.
Rassurer sans convaincre
Pour le parti Ennahda, au-delà de la portée symbolique de la rencontre, il s’agissait aussi d’écouter les professionnels du secteur pour mieux comprendre leurs soucis au quotidien. Ces derniers ont malheureusement raté une occasion d’interroger le mouvement islamiste sur ses desseins réels et ses ambitions pour le secteur touristique pour la période à venir. Car mis à part 4 ou 5 interventions véritablement pertinentes et percutantes, la filière touristique a donné d’elle une image pas toujours reluisante. Et dans le brouhaha qui a caractérisé la rencontre, Ennahda en a profité pour esquiver les vraies questions qui dérangent. Beaucoup de participants à ce colloque sont restés sur leur faim. Trop de généralités, trop de petits détails et trop d’applaudissements ont donné à la rencontre un petit air de RCD. Car de toute évidence oui, il y avait des chauffeurs de salle, qui applaudissaient quand il fallait et qui allaient faire des remontrances à quelques jeunes « impertinents » au fond de la salle qui avaient décidé de chahuter quand la brosse à reluire se faisait trop évidente.
Que faut-il retenir de cette rencontre, sinon que Hamadi Jebali a annoncé que la dernière étude sur le tourisme à l’horizon 2016 commandée auprès du cabinet Roland Berger il y a un an servira de feuille de route pour le futur du secteur. Comme quoi, l’ère de Zaba aura laissé au moins quelques vestiges recyclables, n’en déplaise au ministre du Tourisme du gouvernement de transition qui avait déclaré que cette étude était devenue « obsolète ».
Du côté d’Ennahda, on a joué la carte du réalisme, en s’engageant à « rétablir la confiance des partenaires européens », en « créant un comité spécifique destiné à résoudre l’endettement » de certains hôtels, à développer de nouveaux produits par la mise en place de circuits de la révolution intégrant les zones de l’intérieur et en développant une nouvelle catégorie de clientèle qu’on ira chercher en Asie et en Amérique. A ce propos justement, Hamadi Jebali n’a d’ailleurs pas manqué de parler de « nos amis Américains », tournant le dos une fois encore aux Français et aux francophones, les ignorant superbement dans les débats. Les journalistes français présents à la conférence n’ont d’ailleurs bénéficié d’aucune traduction simultanée lors des travaux, se contentant des quelques interventions en langue française.
Et à la question claire nette et précise d’un hôtelier concernant l’éventuelle interdiction de l’alcool dans les hôtels en Tunisie, le N°2 d’Ennahda a encore une fois jonglé avec les mots, mais soulignant « que l’esprit islamique prévaudra et que la loi primera ». Une ambigüité qui ne va pas permettre de lever les équivoques en suspend.
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